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point vous que j’accuse ; mais, pour revenir à Robespierre, j’ai dit, je maintiens qu’il est l’implacable ennemi des bonnes gens qui aiment une vie opulente et joyeusement émaillée des sept péchés capitaux. Un couvent de trappistes serait un lieu de délices sensuelles, une abbaye de Thélème, comparé à la république prêchée par l’incorruptible. Il est opportun de vous remémorer la douce existence qu’il ménage aux heureux citoyens de sa république. Voici ce qu’il disait à la Convention le 17 pluviose de cette année ; j’ai noté ce curieux passage du Moniteur. (Il lit.) « Nous voulons substituer dans notre pays la morale à l’égoïsme, — la probité à l’honneur, — les principes aux usages, — les devoirs aux bienséances, — l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, — le mépris du vice au mépris du malheur, — la fierté à l’insolence, — la grandeur d’âme à la vanité, — l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, — les bonnes gens à la bonne compagnie, — le mérite à l’intrigue, — le génie au bel esprit, — la vérité à l’éclat, — le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, — la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, — un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple aimable, frivole et misérable, — c’est-à-dire toutes les vertus de la république à tous les vices, à tous les ridicules de la monarchie. » (Le jésuite, s’adressant à Tallien et à Fouché :) — Eh bien, messieurs, que vous en semble ?

FOUCHÉ. — Il me semble que je n’ai pas jeté aux orties mon froc de moine de l’Oratoire pour aller m’encapuciner dans une pareille république !

TALLIEN, riant. — Ah ! combien ils ont raison ceux qui accusent Maximilien d’être contre-révolutionnaire ! Quel beau jeu il fait à la monarchie en voulant nous transformer en un peuple de puritains !

LE JÉSUITE. — Écoutez encore. (Il lit.) « Puisque l’âme de la république est la vertu et l’égalité, puisque votre but est de fonder, de consolider la république, il s’ensuit que la première règle de votre conduite politique doit être de rapporter toutes vos opérations au maintien de l’égalité et au développement de la vertu, car le premier soin du législateur doit être de fortifier le principe du gouvernement. Ainsi, tout ce qui tend à exciter l’amour de la patrie, à purifier les mœurs, à élever les âmes, à diriger les passions du cœur humain vers l’intérêt public, doit être adopté ou établi par vous ; tout ce qui tend à les concentrer dans l’abjection, l’égoïsme, à réveiller l’engouement pour les petites choses, et le mépris des grandes, doit être rejeté ou réprimé par vous. — Dans le système de la révolution