Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée

les terroristes. Quant à nous autres du côté droit, il faut le reconnaître, Robespierre, par un habile calcul politique, nous a toujours, jusqu’à présent du moins, ménagés ; il n’a même point dépendu de lui, ainsi que l’a prouvé sa réponse à Hébert, que Son Altesse Royale Madame ne montât pas sur l’échafaud.

FOUCHÉ. — Son Altesse Royale !… Cela vous a pourtant un très-grand air.

LE JÉSUITE. — On y reviendra, on y reviendra.

TALLIEN. — Ma foi, qui sait ?

DURAND-MAILLANE, souriant. — Vous me flattez, chers collègues ; toujours est-il que nous autres royalistes avions peu à redouter des conséquences de la loi de prairial.

LE JÉSUITE. — Un mot, s’il vous plaît de me laisser vous interrompre ?

DURAND-MAILLANE. — En grâce, parlez, mon révérend.

LE JÉSUITE. — J’ai lu attentivement les papiers publics et le Moniteur de cette époque ; or, selon mon petit jugement, si, dans la séance du 26 prairial, Robespierre avait nettement demandé la mise en accusation de Carrier, de Collot-d’Herbois et autres scélérats… (À Fouché :) C’est Robespierre qui parle.

FOUCHÉ. — Bien entendu… Et les autres scélérats sont : moi, Tallien, Barère et tutti quanti. Poursuivez, mon révérend.

LE JÉSUITE. — Donc, la Convention n’eût osé, par respect humain, refuser de décréter d’accusation ces honorables terroristes ; et leurs partisans, tels que Billaud-Varenne et autres, n’auraient osé les défendre ; ou bien, s’ils l’eussent tenté, ils auraient certainement été englobés dans l’accusation. Il suit de ceci, toujours selon mon petit jugement, que si les divers partis de la Convention, au lieu de se croire menacés par le vague et obscur discours de Robespierre, avaient su de lui qu’il ne demandait que la mise en jugement de huit à dix terroristes, cette mesure eut été à l’instant votée ; la terreur avait son terme, l’opinion publique était satisfaite, Robespierre prenait un ascendant incalculable, et la république s’affermissait… J’ai dit, et je rappellerai plus tard le pourquoi de mon observation.

DURAND-MAILLANE. — Elle est parfaitement fondée, mon révérend ; Robespierre, en cette occurrence, a manqué de tact et de décision. Vous savez, messieurs, ce qui s’est passé depuis : la loi de prairial est devenue une arme terrible entre les mains des terroristes impitoyables comme Billaud-Varenne ; les exécutions dont nous avons été témoins durant les premiers temps de la terreur ne sont rien auprès