de la maison accourraient à l’appel de la jeune femme. Enfin, tenter de la tuer était un expédient aussi périlleux que les autres : il fallait d’abord braver deux coups de feu tirés à brûle-pourpoint, et, M. de Plouernel y échappât-il, Victoria crierait au secours, ses voisins enfonceraient la porte, et il tomberait entre leurs mains. Se croyant donc perdu, perdu sans ressources, il attendit dans un morne silence l’issue de cette scène étrange, en contemplant d’un regard plein de haine et d’admiration involontaire cette femme si belle encore qui lui avait inspiré la plus ardente, la plus folle passion de sa vie.
Victoria, s’asseyant de l’autre côté de sa table de travail, qui la séparait ainsi du comte, et conservant toujours à la main son pistolet, dont elle badine, ainsi qu’elle ferait d’un éventail, dit à M. de Plouernel en minaudant avec une sorte de coquetterie féroce :
— Vous me disiez donc, cher comte, la veille de la prise de la Bastille par la vile populace que vous savez… vous me disiez donc, cher comte, que vous m’aimiez passionnément ?… Quoi ! vous ne répondez rien, Gaston ? Le souvenir de ce tendre amour serait-il effacé de votre cœur ? Ces serments tant de fois répétés aux pieds de la marquise Aldini étaient-ils donc trompeurs, ingrat ?
— Monstre ! tu ne jouiras pas, du moins, de la torture que tu crois m’imposer ; je vais aller à la mort, mais je serai délivré de ton horrible présence, — répond M. de Plouernel, sentant se réveiller en lui toutes les douleurs de l’atroce déception dont il avait tant et pendant si longtemps souffert ; il court à la cloison et y frappe en criant :
— Hé ! voisin Jérôme, il y a ici un émigré caché ; venez l’arrêter, venez !
— Ah ! ah ! ah ! — s’écrie à son tour Victoria en riant aux éclats, et parlant assez haut pour être entendue à travers la cloison, — que dites-vous de la plaisanterie, voisin Jérôme ? Ne trouvez-vous pas que mon frère Jean contrefait merveilleusement sa voix ?