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Victoria garda le silence : elle ne trouvait, et il n’y avait rien, en effet, rien à répondre à l’observation de Jean Lebrenn. Celui-ci, triomphant dans son affection fraternelle, se leva, embrassa tendrement sa sœur et lui dit :

— Te voici convaincue toi-même de la nécessité de ma confidence à Charlotte. Eh bien, réponds, sœur chérie, que préféreras-tu : vivre seule ou auprès de nous ?

La jeune femme ne répondit rien ; mais son pâle visage fut bientôt baigné de larmes, toujours si rares chez elle, et serrant son frère contre sa poitrine, elle murmura d’une voix entrecoupée de sanglots :

— Ah ! ne crains pas que le spectacle de votre bonheur rende mes chagrins plus amers ; je les oublierai peut-être, au contraire, en vous voyant heureux. — Puis, essuyant ses pleurs : — Va, frère, va vite chez le père de Charlotte, j’attendrai ton retour avec autant d’impatience que la pauvre enfant attend ta venue…

Jean Lebrenn embrassa Victoria avec un redoublement d’affection et se rendit chez Billaud-Varenne, qu’il voulait voir avant son entretien avec l’avocat Desmarais.

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Victoria, demeurée seule, réfléchissait depuis quelque temps à sa récente conversation avec son frère ; puis, prêtant machinalement l’oreille aux rafales du vent d’hiver qui soufflait violemment au dehors, elle reprit le travail de couture dont elle s’occupait à la clarté de sa lampe, placée sur le poêle qui chauffait son modeste logis. Soudain la jeune femme pousse un cri de surprise et se lève brusquement : l’un des carreaux de la fenêtre mansardée qui s’ouvrait sur le toit de la maison venait de voler en éclats, et au moment où les débris de la vitre tombent sur le plancher, une main passant à travers l’ouverture laissée vide par le bris du carreau, soulève avec force et fait remonter dans sa rainure le châssis supérieur de la croisée. Aussitôt la bise de décembre s’engouffre dans la chambre, éteint la