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Victoria, jetant de nouveau les yeux sur la missive, « — qu’il te recommande notamment de garder auprès de Billaud-Varenne le secret de ton amour pour Charlotte. » — Et c’est lui, Billaud, qui s’est chargé de t’apporter au Temple, à près de minuit, la lettre de ce Desmarais. Tout ceci ne fait-il pas supposer qu’il existe entre eux, à ton insu, quelque intimité ?

— Il est vrai, et en ce cas j’inclinerais de nouveau à croire à la sincérité des opinions du citoyen Desmarais, car tu connais comme moi le caractère, la pénétration et la défiance de Billaud-Varenne : il serait incapable de se lier d’intimité avec un homme dont il suspecterait le patriotisme.

— Sans doute, mais il te sera très-facile d’éclaircir ce mystère en allant voir Billaud-Varenne et l’interrogeant à ce sujet.

— Ne serait ce pas manquer à la discrétion que m’impose le père de Charlotte, comme condition à mon mariage ?

— Nullement : je lis dans sa lettre qu’il te recommande de garder auprès de son collègue le secret de ton amour pour Charlotte ; rien de plus : or, tu peux et tu dois être, à ce sujet, aussi réservé que par le passé dans ton entretien avec Billaud-Varenne.

— C’est juste, et je vais le voir ce soir même… certain que je suis de le trouver chez lui. Enfin, quoi qu’il en soit, cette condition mise par le père de Charlotte à notre mariage te semble, comme à elle, comme à moi, acceptable, au point de vue de l’honorabilité la plus ombrageuse ?

— Certes, mon frère, ce secret que te demande Desmarais, ne l’as-tu pas toujours gardé par délicatesse ? Quel inconvénient vois-tu à t’engager sur l’honneur à continuer d’être discret ? Aucun. Quant à la cause mystérieuse de cette condition, que t’importe ? Rends-toi donc à cette heure chez M. Desmarais ; ta Charlotte, en t’attendant, compte les heures, les minutes, la pauvre enfant !

— Ah ! Victoria ! — s’écrie Jean Lebrenn avec expansion et les yeux remplis de douces larmes, — j’ai peine à croire à ce bonheur