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— Devines-tu la cause de la condition mise par M. Desmarais à mon mariage avec sa fille ?

— Cette cause, je ne saurais la préciser, mais ce doit être quelque lâcheté de la part de cet hypocrite.

— Tu persistes à croire…

—… Que M. Desmarais est un faux patriote ; j’en suis aussi convaincue que jamais, mon frère.

— J’ai, tu le sais, ma sœur, d’abord partagé ton opinion ; cependant, je l’avoue, maintenant je suis indécis, car depuis quatre ans ses actes, ses votes, ses discours ont été toujours d’accord avec les principes des révolutionnaires les plus avancés.

— La peur le pousse en avant, parce qu’il craint de se perdre en reculant.

— J’ai peine à croire à une si noire et si abjecte hypocrisie ; aujourd’hui encore, lors de l’interrogatoire de ce misérable roi dont l’ignominieuse défense a éteint en moi la pitié que l’homme privé m’inspirait encore, je ne saurais te peindre l’expression de la physionomie du citoyen Desmarais : il s’indignait, se révoltait, montrait le poing à Louis XVI ; plusieurs fois j’ai vu Robespierre, Billaud-Varenne, Marat et d’autres représentants auprès desquels il siège le rappeler à sa dignité de juge et…

— Frère, — dit soudain Victoria, interrompant Jean Lebrenn, — c’est Billaud-Varenne qui t’a, hier soir, apporté au Temple la lettre de Desmarais ?

— Oui.

— Cela me semble singulier ; tu vois souvent Billaud-Varenne, il ne t’a pas dit, que je sache, qu’il fût étroitement lié avec le père de Charlotte ?

— Jamais. Et à la manière dont il me parlait de lui, j’ai toujours cru qu’ils n’avaient ensemble d’autres relations que celles de collègues à la Convention.

— Et pourtant je lis dans la lettre de ce Desmarais, — reprend