pas, et c’était fait de la république, de toutes les conquêtes de la liberté. L’avenir a prouvé combien était juste la prévision des montagnards.
Quoiqu’il ne s’agît, en cette première séance du procès, que d’interroger l’accusé, de lui donner connaissance des faits à sa charge et d’entendre ses réponses, cette longue succession de parjures, de complots, de trahisons commis par Louis XVI, depuis le mois de mai 1789 jusqu’au 10 août 1792, était tellement notoire, avéré, flagrante, que l’interrogatoire ou les réponses de l’accusé ne pouvaient jeter aucune lumière sur les débats. Depuis 1789, l’opinion publique instruisait le procès sur des actes irrécusables ; enfin les papiers d’État, les correspondances trouvées aux Tuileries, le 10 août, dans l’armoire de fer, ne laissaient pas le moindre doute sur la culpabilité de Louis XVI ; plusieurs séances de la Convention ayant été préalablement employées à examiner, à peser les preuves de l’accusation, à discuter le mode de procédure, Louis XVI était donc déjà moralement jugé à l’avance, non par l’iniquité de la passion et du parti pris, mais par l’éclatante évidence de nombreux flagrants délits.
L’immense majorité de la Convention, convaincue de la culpabilité de Capet, ne différait donc d’avis que sur le châtiment de tant de trahisons ; elle se scindait nettement en deux partis, dont l’un voulait la mort et l’autre se contentait du bannissement ou de la détention du dernier des rois !
Les tribunes regorgeaient de patriotes ; ceux-ci, en communauté de principes avec la montagne et le club des Jacobins, voyaient le salut de la république et de la révolution dans la condamnation de Louis XVI à la peine de mort.
Le ciel sombre de cette pluvieuse journée de décembre jetait ses clartés blafardes à travers les vitrages de la vaste salle. Cette rare lumière et la fermeté des ombres portées accentuaient fortement les traits des conventionnels. La droite et le marais semblaient en proie à de sourdes et pénibles préoccupations, tandis que les montagnards,