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— La circonstance qui me rapproche aujourd’hui de vous, sire, est d’une trop haute moralité pour m’inspirer un sentiment aussi misérable que celui de la haine assouvie.

— Que ressentez-vous donc, monsieur ?

— Une religieuse émotion, sire ; celle qu’inspire à toute âme honnête l’un de ces mystérieux arrêts de la justice éternelle qui, tôt ou tard, se manifeste dans sa grandeur divine et atteint les coupables, où qu’ils soient, quels qu’ils soient !

— Ainsi, monsieur, vous me rendez solidaire du mal que mes aïeux pourraient avoir fait à votre famille ?

— Ce n’est pas vous, sire, mais la royauté que je rends responsable de ces maux.

— Que signifie cette subtilité, monsieur ?

— La royauté, sire, est solidaire des crimes de la royauté, de même qu’elle se prétend solidaire du droit de conquête et du droit divin, en vertu desquels elle règne et s’impose à ses peuples. Elle a, de siècle en siècle, revendiqué l’héritage dynastique : tout héritage s’accepte avec ses avantages et ses charges. Et, cependant, nés ailleurs que sur les marches du trône, les pires des rois auraient peut-être été de bonnes gens… Vous-même, sire, n’êtes-vous pas doué des qualités privées de l’homme de bien ?

— Vraiment ! vous m’accordez cela, — répond Louis XVI avec un léger dédain. — Mais, comme roi ?…

— Je n’ai rien à vous répondre, sire.

— Ainsi, vous croyez aux calomnies répandues contre moi ?

— Je n’ai, sire, rien à vous répondre.

— Pourquoi donc cela, monsieur ? J’ai, ce me semble, jusqu’ici, entendu de votre part des choses… auxquelles j’étais peu accoutumé. Je ne vous adresse point un reproche ; j’ai, moi-même, provoqué votre franchise, monsieur Lebrenn, soyez donc sincère jusqu’au bout.

— Quelles que soient mes convictions au sujet des accusations