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— c’est un hasard étrange que celui-ci. Un de vos aïeux a été chargé de la garde du dernier rejeton de la dynastie de Clovis ; un autre de vos aïeux a vu mourir le dernier rejeton de la monarchie de Charlemagne ; et vous êtes, monsieur Lebrenn, chargé cette nuit de me garder, de me surveiller, moi, que vous considérez peut-être comme le dernier rejeton de la dynastie de Hugues Capet, quoique j’aie un fils…

— Sire, — répondit Jean Lebrenn, éludant par pitié de répondre aux dernières paroles de Louis XVI, — vous avez insisté pour connaître les rapprochements singuliers dont je vous ai parlé, à propos de cette question que vous m’adressiez tout à l’heure : « — Quel mal vous a donc fait, à vous et à vos pareils, cette royauté, cette noblesse, ce clergé, contre lesquels on vous inspire une aveugle et injuste aversion ? »

— Oui, monsieur Lebrenn, malgré l’étrangeté des circonstances que vous venez de m’apprendre, je vous réitère ma question ?

— D’abord, vous conviendrez, sire, que sachant, grâce à ma tradition de famille, par quels crimes… ceci est de l’histoire… par quels crimes se fondent ou finissent les dynasties, nous n’avons pu, de génération en génération, nourrir un profond respect et un grand attachement pour la royauté, nous de race gauloise, asservie par la race conquérante dont Clovis fut le chef.

— C’est un malheur, mais c’est le droit de la conquête, monsieur Lebrenn : toutes les monarchies ont une pareille origine. Le comte de Boulainvilliers a, dans ce siècle-ci, parfaitement établi et démontré comment la terre des Gaules appartient de droit ou de fait au roi et à sa noblesse, représentants des Francs conquérants, par la grâce de Dieu et le droit de leur épée. Ceci est aussi de l’histoire, monsieur Lebrenn ; or si votre famille et vous n’avez pas d’autres griefs à reprocher à la royauté, à la noblesse et au clergé, que leur antique possession d’État, ainsi que l’on dit, ce sont là de minces griefs.

— Entre autres minces griefs, sire, que pensez-vous de ceux-ci ?