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Sacredieu ! mon cheval ne s’est pourtant pas envolé… Voilà-t-il pas que l’un des trompettes de ma batterie, qui arrivait d’ordonnance, me raconte qu’il vient de rencontrer mon Rouget flânant les mains dans ses poches sur la grand’route qui conduit au quartier général. Je requiers le trompette de m’accompagner pour m’aider au besoin à rattraper mon échappé. Je prends mon bridon d’écurie et j’enfile la grand’route où se trouve cette auberge… je la dépasse, appelant toujours Rouget. Enfin, à vingt pas d’ici, j’entends hennir à ma voix, et au bout d’un instant, mon scélérat m’arrive au petit trot et d’un air innocent, comme s’il sortait de confesse. Je lui dis : « Suffit… tu me payeras ça. » Je lui passe son bridon, je donne les rênes au trompette, lui recommandant de l’attacher de court par sa longe à l’une des roues de Carmagnole ; alors, ma foi, en repassant devant cette auberge, j’ai vu, à travers les vitres, des camarades auprès d’un bon feu… j’étais gelé… je…

Le récit du canonnier Duchemin est soudain interrompu par l’explosion d’un coup de feu, tiré à cent pas environ de l’auberge par l’une des sentinelles avancées qui couvraient ce poste. Deux des volontaires qui sommeillaient sur la paille se lèvent en sursaut ; les autres se préparent à prendre les armes, tandis que le capitaine Martin, s’adressant à un sous-officier :

— Sergent, va avec quatre hommes voir un peu ce qui se passe dehors : si je ne me trompe de direction, cc doit être notre camarade Lebrenn qui a tiré ce coup de fusil.

— Peut-être il a fait feu sur quelque espion qui, voulant s’approcher de nos lignes, n’aura pas répondu au qui vive du factionnaire, — ajoute Duchemin pendant que le sergent s’empresse de sortir avec ses hommes.

Malgré cet incident, Castillon, toujours préoccupé au sujet du duo du troisième hussards, se rapproche du canonnier, puis :

— Camarade, ces deux braves cavaliers du troisième hussards, les as-tu revus ?