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— Elle m’est commandée par ma dignité, d’abord, puis par ma commisération pour le malheur, non du roi… mais de l’homme.

— Monsieur ! — s’écrie Louis XVI avec un redoublement de hauteur, — je n’ai besoin de la pitié de personne : la miséricorde du ciel et ma conscience me suffisent !

— Je vous ferai observer, sire, que je n’ai nullement provoqué cet entretien : s’il doit continuer, il est bon que vous soyez fixé sur la nature de mes sentiments à l’égard de la royauté ; je vous épargnerai, de la sorte, de nouvelles déconvenues. En un mot, sire, la révolution et la république n’ont pas eu, n’ont pas, n’auront jamais de soldat plus dévoué que moi… Maintenant, sire, je suis à votre disposition, si vous désirez poursuivre cette conversation.

Louis XVI ne manquait pas de bon sens, et le premier ressentiment de sa déception apaisé, il s’avoua que la conduite de cet officier municipal était d’autant plus louable, qu’en se déclarant révolutionnaire et républicain, il traitait cependant avec égard un roi captif.

— J’ai été un peu bourru tout à l’heure, n’est-ce pas ? Eh bien, j’en suis fâché ; mais, que voulez-vous, monsieur ? — reprend le roi avec une légère amertume, après un long silence, — je croyais voir en vous un sujet fidèle ; au lieu de cela, je rencontre un ennemi, peut-être… Et haussant les épaules, Louis XVI ajoute : — Un ennemi… Mais quel mal vous a donc fait, à vous et à vos pareils, cette royauté, cette noblesse, ce clergé, contre qui des méchants ou des fous sont parvenus à vous inspirer une haine si aveugle ?

— Vous me demandez cela, sire ?

— Eh ! sans doute.

— Vous me demandez quel mal la royauté, la noblesse, le clergé nous ont fait, à moi et à mes pareils !…

— Oh ! mon Dieu ! je le sais, vous allez me répondre par les absurdes déclamations des philosophes, des encyclopédistes et des jacobins, qui ont affolé mon malheureux peuple, jadis si fidèle à ses rois ; mais des déclamations ne sont pas des raisons, monsieur.