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que, depuis environ quatre ans (époque à laquelle Frantz nous a quittés), il est détenu dans une prison d’État par ordre de son père, le prince régnant actuel, fougueux partisan de la coalition et ami intime du prince de Saxe-Cobourg. Ainsi Frantz de Gerolstein expie à cette heure ses généreuses tendances vers la république universelle, idéal qu’il poursuivait avec une si vaillante abnégation, lui de race quasi royale… Peut-être une victoire des armées de la république délivrera-t-elle Frantz de sa prison, de même qu’en combattant si vaillamment avec nous le 14 juillet, lors de la prise de la Bastille, il a concouru à délivrer les derniers prisonniers de cette forteresse, et, parmi eux, mon pauvre et bien-aimé père dont la mémoire me sera toujours chère et vénérée.

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4 AOÛT 1793. — La Convention a rendu hier un décret terrible, mais indispensable, contre les accapareurs. Leur cupidité, leurs infâmes manœuvres causaient seules le renchérissement croissant des denrées et la dépréciation non moins progressante des assignats. Voici comme procédaient ces agioteurs : généralement détenteurs du numéraire, ils inventaient et propageaient une nouvelle désastreuse venue des armées, nouvelle impossible à réfuter sur l’heure, et provoquant ainsi presque instantanément une sorte de panique et une baisse considérable sur les assignats, ils en achetaient pour une somme d’écus importante ; puis, courant aussitôt dans les magasins avant que la baisse du cours du papier fût connue, ils se procuraient au cours précédent de grandes quantités de denrées et les accaparaient. Leur prix doublait souvent en raison de leur rareté fictive, et les agioteurs les revendaient alors avec d’énormes bénéfices. Ainsi, grâce à ces indignes manœuvres, ces gens exerçant de fait un monopole sur le numéraire et sur les denrées, gagnaient des sommes immenses, dépréciaient les assignats, ruinaient le crédit national, et affamaient les populations en rendant presque inabordable aux prolétaires et à la petite bourgeoisie le prix des objets de première nécessité. En