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respect du sujet pour son roi dans le titre que lui donna Jean Lebrenn ; aussi cherchant à lire au plus profond de la pensée de celui-ci, le captif du Temple reprit après un moment de silence :

— Tenez, mon ami, je ne pense pas me tromper en croyant que vous plaignez mon sort ?

— Il est vrai.

— Vous me plaignez ?

— Profondément, sire !

— Ah ! n’est-ce pas, mon ami, que votre pauvre roi est bien malheureux, et surtout cruellement méconnu ? lui, le père de ses sujets, lui qui n’a jamais eu qu’un vœu, le bonheur de ses peuples… — dit Louis XVI, de plus en plus encouragé par le silence de Jean Lebrenn, qui, prenant en grande pitié ces rébus monarchiques, royales sornettes stéréotypées dans la bouche de tous les porte-couronne, eût haussé les épaules, s’il n’avait été retenu par la compassion. — Ah ! mon ami, — reprend Louis XVI d’un ton dolent, — j’ai été, je suis indignement calomnié, mais la lumière se fera un jour, bientôt peut-être ; grâce à Dieu, j’ai encore des amis, des sujets fidèles, dévoués. Ceux-là, du moins, savent combien j’aime mon peuple, et, tenez, mon ami… — ajoute Louis XVI en baissant la voix et observant avec une attention croissante la physionomie du jeune artisan, — je ne sais quoi me dit que vous êtes l’un de ces sujets fidèles et dévoués auxquels je fais allusion. Ah ! s’il en était ainsi, je…

— Un mot, sire : je suis trop loyal pour vous laisser dans votre erreur, et ainsi encourager peut-être en vous des espérances que je ne puis, que je ne veux pas réaliser.

— Qu’est-ce à dire, monsieur ?

— Je n’accepte pas la qualité de votre sujet, sire ! je suis citoyen de la république française.

— Soit, monsieur, je me suis trompé, — reprend avec hauteur et amertume Louis XVI, blessé, irrité de son désappointement ; — je vous sais gré, du moins, de cette franchise, monsieur.