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« La dépouille de l’Ami du peuple a été portée en pompe jusque dans la cour des Cordeliers. Le peuple entier, rassemblé sous les bannières des sections, suivait le corps dans un silence religieux. La consternation muette et profonde des citoyens offrait un spectacle touchant. La marche a duré depuis six heures du soir jusqu’à minuit. Elle était formée des sections, des membres de la Convention, de ceux de la commune et du directoire du département, des électeurs des sociétés populaires, etc., etc. Le président de la Convention, Thuriot, a prononcé un discours éloquent, dans lequel il a dit que le temps arriverait bientôt où Marat serait vengé. Après plusieurs autres discours vivement applaudis, le corps de Marat a été déposé dans la tombe. Les larmes ont coulé. Chacun s’est retiré l’âme navrée de douleur, etc. »

Marat, je le crains, ne sera que trop vengé ! l’on attribue sa mort aux excitations des girondins réfugiés à Caen, et dont Charlotte Corday a été sans aucun doute l’instrument homicide. L’indignation publique est à son comble. Partout l’on entend récriminer avec fureur contre ces traîtres qui, se liguant avec les royalistes et l’étranger, ont soulevé les départements contre Paris et mis le poignard à la main de Charlotte Corday. La haine, l’exécration qu’inspire à cette heure le seul nom de girondin, sont inexprimables. Aussi est-il à redouter que Vergniaud et ceux de son parti qui, restés loyalement prisonniers à Paris sur parole, sont complètement étrangers aux crimes de lèse-nation commis par leurs amis depuis le 4 juin 1793, ne soient regardés comme complices de ces attentats, et que l’exaspération de l’opinion publique ne réagisse sur les jurés composant le tribunal révolutionnaire. Puissent mes appréhensions ne pas se réaliser !… Mais, en frappant Marat, je crains que Charlotte Corday n’ait porté un coup mortel à Vergniaud et à ses amis détenus comme lui.

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L’exécution de Charlotte Corday m’a rappelé ces paroles de Victoria : — « L’on doit épargner aux femmes le dernier supplice ; elles