ambition des conquérants ou par le despotisme des rois… mais dans les guerres saintes, trois fois saintes… où les peuples défendent la liberté, la patrie menacées. — Puis, retombant dans le noir abîme des réalités, Victoria, tordant ses bras avec désespoir, ajoute d’une voix étouffée par les sanglots : — Et je le verrai mourir, ce vaillant enfant, qui serait un jour un grand citoyen… dont l’épée peut-être sauverait la patrie menacée !
— Victoria, — reprend Jean Lebrenn sans pouvoir retenir ses larmes, — je t’en conjure, ne t’abandonne pas au désespoir… reviens à toi… Envisageons plus froidement la réalité.
— La réalité ! — répond Victoria avec un calme plus effrayant que sa récente exaltation, — la réalité ! veux-tu la connaître ?… La voici… Aucune puissance humaine n’empêchera le suicide d’Olivier, si je ne lui promets d’être sa femme… ou sa maîtresse !…
— Malheur à nous ! malheur à nous !…
— La réalité t’épouvante, mon frère… moi aussi, elle m’épouvante… elle m’écrase… « Quel que soit votre passé que j’ignore, le présent me prouve que vous seriez digne de moi, si vous m’aviez jugé digne de vous, » — m’a dit ce malheureux dans le sincère entraînement de sa passion… Eh bien ! si, par impossible, je pouvais vaincre tout ce qui se révolte en moi à la seule pensée d’un pareil mariage, Olivier, lorsqu’il le connaîtrait, ce passé honteux, ignoble, que nulle considération ne pourrait me faire dissimuler… Olivier éprouverait pour moi la même horreur que son frère… et, dans son désespoir, il se tuerait… Eh bien ! ce mariage dont les conséquences seraient mortelles pour cet infortuné… ce mariage où je verrais une sorte d’inceste… ce mariage dont la seule pensée me révolte… est impossible… et, tu dois le savoir, mon frère, je ne me dégraderai jamais jusqu’à être la maîtresse d’Olivier…
Un silence de quelques moments succède aux paroles de Victoria. Sa sinistre conviction est partagée par Jean Lebrenn et par sa femme, parce que cette conviction est rigoureusement conforme à la