Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/273

Cette page n’a pas encore été corrigée


— La vérité… Ah ! mon frère, crois-tu donc qu’ainsi que toi je n’aie pas songé à montrer à Olivier la honteuse stérilité de sa mort, à relever son âme abattue, découragée… en exaltant à ses yeux la sainteté du devoir civique… la nécessité sacrée du sacrifice de ses passions au salut de la patrie !… Hélas ! ces paroles eussent été vaines, et demain comme aujourd’hui elles seront vaines…

— Quoi ! Victoria, — reprit madame Lebrenn, — vous d’un caractère si ferme, vous désespérez ?…

— Ah ! c’est que je connais cet enfant mieux que vous, mes amis… et Dieu sait à quel prix j’ai acquis cette expérience… Écoutez-moi, voici l’heure d’une révélation cruelle, frère : tu sais quelle part dans ma vie a eue… Maurice ?

— Oui, et je sais de plus, ou crois savoir qu’Olivier est le frère de Maurice… — Puis, répondant à un mouvement de vive surprise de Victoria, Jean ajoute : — C’est à la pénétration de Charlotte que je dois cette découverte.

— En effet, Olivier est le frère de Maurice… et par l’un de ces mystères incompréhensibles de la nature, la ressemblance physique qui existe entre eux est peut-être moins extraordinaire encore que leur ressemblance morale. — Aussi, te le disais-je, mon frère… ma profonde connaissance du caractère de Maurice m’a donné la clef du caractère d’Olivier… Malheur à moi ! — ajoute Victoria d’une voix déchirante. — En voyant, en entendant l’un, je croyais voir, entendre l’autre !… Même accent, même regard !! Ah ! que de fois, entraînée malgré moi par la manie des souvenirs, je me suis surprise… émue, passionnée pour ce vivant fantôme du seul homme que j’aie aimé durant ma triste vie…

— Oh ! mes pressentiments !… tu aimes Olivier, ou plutôt en lui tu continues d’aimer Maurice ! pauvre malheureuse femme !

— Chère sœur ! — dit Charlotte, prenant avec effusion les deux mains de Victoria, muette, accablée, baissant son visage empourpré de honte et inondé de larmes. — Jean l’a dit : une implacable fatalité