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Non, je vous le répète, je ne veux en rien ranimer vos illusions détruites, elles doivent l’être pour toujours… mais, au nom de l’intérêt que je vous ai toujours porté… au nom même de votre attachement pour moi… je vous demande seulement ceci, et je vous le demande en grâce… Jurez-moi sur l’honneur de ne pas attenter à votre vie jusqu’à demain soir, minuit… À cette heure, vous me reverrez ici, dans ce salon… sinon, vous recevrez une lettre de moi. Si l’entretien que j’aurai avec vous alors, ou si la lecture de ma lettre ne change rien à vos funestes projets, vous les accomplirez. Dites, Olivier, voulez-vous m’accorder cela ?…

— Mourir vingt-quatre heures plus tôt… vingt-quatre heures plus tard… peu m’importe… et je ne vous aurai pas du moins refusé la première chose que vous m’ayez demandée… Mademoiselle Victoria, je vous jure sur l’honneur de ne pas me tuer avant demain minuit, — répond l’apprenti avec un accent de désintéressement si évident qu’il est facile. de deviner que le malheureux ne fonde aucune espérance sur l’atermoiement de son suicide ; puis, se dirigeant vers la porte, il ajoute : — Bonsoir, mademoiselle Victoria.

— Bonsoir, Olivier.

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À peine Olivier a-t-il quitté le salon, que Victoria se lève, et allant ouvrir une porte communiquant à une pièce voisine, où se tenaient Jean Lebrenn et sa femme, elle leur dit d’une voix profondément altérée :

— Vous avez tout entendu !

— Ah ! l’infortuné ! — s’écrie Jean Lebrenn, — il a la tête perdue… il m’épouvante.

— Mon Dieu ! — ajoute madame Lebrenn, essuyant ses yeux humides de larmes, — l’avoir aujourd’hui sauvé de la mort, et penser que demain, peut-être… ah ! c’est terrible !… mais que faire ?… que faire ?…