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soudaine… et plus j’y réfléchissais, plus je reconnaissais que cette idée était bonne… Cependant, parfois j’hésitais à la suivre… mais d’après ce qui s’est passé tantôt, je n’ai plus hésité.

» La digne femme de mon patron, qui m’a toujours témoigné les bontés d’un père, a, j’en suis presque certain, deviné mon triste secret en m’interrogeant sur la cause de mon chagrin. Jugez de ma honte, de mon désespoir, mademoiselle Victoria… L’on saura… l’on sait maintenant dans la maison, dans l’atelier peut-être, que j’ai osé vous aimer…

» Tout cela m’a décidé.

» Le soir, vers huit heures, je vous ai vue sortir, j’en ai été content. Je préférais ne pas vous savoir ici, et puis je pourrais ainsi en votre absence déposer cette lettre sur votre table, et vous la liriez à votre retour.

» Aussitôt après votre départ, j’ai dit à la bonne Gertrude que je montais me coucher. En passant devant votre porte, j’ai remarqué que votre clef n’était pas à la serrure. J’ai été d’abord contrarié, puis je me suis souvenu qu’un chéneau assez large passait devant votre fenêtre et la mienne, et qu’en marchant sur ce chéneau je pourrais arriver jusqu’à votre croisée.

» Je me suis enfermé à double tour, j’ai regardé le chéneau ; le passage m’a paru praticable, et pour m’en assurer, je suis allé jusqu’à votre fenêtre ; elle était ouverte : j’ai vu votre table, votre panier à ouvrage ; vos livres… Ah ! comme j’ai encore pleuré.

» De retour dans ma chambre, j’ai commencé à vous écrire cette lettre, j’irai tout à l’heure la déposer sur votre table… et puis après… grâce à la petite provision de charbon que depuis trois jours… sans qu’on le sache, je me suis petit à petit procuré… je mettrai fin à… »

— Ah ! le malheureux enfant ! — s’écrie Victoria, jetant la lettre loin d’elle et se levant, pâle, éperdue d’épouvante, elle court à la porte de la chambre d’Olivier en criant au secours, au secours…