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de tomber de ma main, tant elle tremble… et puis les larmes m’empêchent de voir ce que j’écris…

» Pardon, mademoiselle ; et surtout vous, si ferme, si courageuse, ne me méprisez pas à cause de ma faiblesse…

» Je ne suis pas lâche pourtant… mais, mon Dieu ! mon Dieu ! si vous saviez ce que je souffre !…

» Je viens de pleurer beaucoup, cela m’a soulagé. Je pourrais finir cette lettre en une ligne… mais j’éprouve tant de bonheur à vous écrire, pour la première et pour la dernière fois, que ce bonheur, je le prolonge le plus possible…

» Ah ! ne m’en voulez pas… et par charité… lisez ma pauvre lettre jusqu’à la fin, mademoiselle… je vous en supplie… je ne vous demande que cela au monde.

» Quel changement vient de s’opérer en moi !… Tout à l’heure, ma main tremblait à ce point de m’empêcher d’écrire… à la seule pensée de vous avouer que je vous aime passionnément, mademoiselle Victoria… et en ce moment je vous avoue cela sans crainte… Il me semble que cet aveu ne vous causera ni mépris ni colère, parce que cet aveu est sincère…

» Ah ! combien de fois ne m’avez-vous pas répété, en nous donnant à moi et aux autres apprentis nos leçons du soir :

» — Olivier, n’oubliez jamais que la sincérité est l’une des premières qualités du bon citoyen… La vérité, dût-elle nous nuire, disons-la toujours hautement, hardiment, mon enfant ; car l’habitude de la dissimulation, quelle que soit sa cause ou son excuse, énerve, dégrade peu à peu notre âme, et nous conduit au mensonge. » En vous entendant si noblement parler, vous me sembliez plus belle encore, mademoiselle Victoria ! Et puis, votre voix, ordinairement si ferme, devenait si douce, si tendre lorsque vous m’appeliez votre enfant

» Hélas ! tenez… voilà que, malgré moi, je pleure encore…

» Ma mère, que j’ai perdue si jeune m’appelait aussi son enfant