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nous convaincus que vous n’êtes pas ornés d’assez de poil aux yeux pour sauver la république… C’est connu ! Nous avons pour nous, vous le voyez, et le nombre, et la force, et nos canons ; mais de ces canons, mais du nombre, mais de la force, nous ne voulons point user ; seulement, nous vous disons, au nom du salut de la patrie : Citoyens girondins, puisque tous n’avez pas les reins assez solides pour porter le fardeau, laissez-le donc porter à d’autres plus robustes ! Allons, soyez gentils, et filez… nous répondons à nos frères des provinces qu’il ne sera pas touché un cheveu de votre tête… »

— Tu parles d’or, mon vieux Castillon. Oui, selon toute probabilité, telles seront les conséquences de la journée de demain : la majorité de la Convention… majorité souvent flottante, indécise, mais qui a jusqu’ici soutenu les girondins, frappée de cette imposante manifestation populaire, de son attitude calme, digne et légale ; la majorité, cédant ainsi à la légitime et irrésistible pression de l’opinion publique, se séparera des vingt-cinq ou trente girondins qui l’ont dominée jusqu’ici et s’unira aux jacobins, qui deviendront ainsi maîtres de la situation, et alors, mes amis, soyez-en convaincus, quels que soient les efforts de l’Europe coalisée, quels que soient les complots des royalistes et des prêtres, oui, soyons-en convaincus, la république, la révolution, la France… seront sauvées sans que la souveraineté du peuple ait été violée dans la personne d’aucun de ses représentants, sans qu’une goutte de sang ait été répandue, et nous prouverons à nos frères des provinces que les Parisiens du 11 juillet et du 10 août ont su, le 31 mai 1793, vaincre par leur influence morale comme ils ont tant de fois vaincu par leur audace et par leur bravoure…

Soudain la femme de Jean Lebrenn entre précipitamment dans l’atelier. Elle est pâle, tremblante, et, du seuil de la porte, elle s’écrie d’une voix altérée : — Jean, mon ami, viens à l’instant… Ah ! quel malheur… mon Dieu ! quel malheur !