Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

soient rémunérés en conséquence. Enfin, ma femme, qui tient nos livres de commerce et la caisse, aura comme nous sa part des bénéfices… » Il en a été ainsi que tu l’as dit Jean, tu pouvais, en devenant notre patron, bénéficier sur nous, nous exploiter, ainsi que le font encore les autres bourgeois ; mais toi, non, tu partages avec nous en frère, en bon camarade, sans compter la petite école que ta brave sœur tient tous les soirs ici, afin d’apprendre à lire, à écrire et à compter à nos apprentis et à ceux d’entre nous (et c’est le grand nombre) qui, ainsi que moi, étaient ignorants comme des ânes, et ceux-là, plus heureux que ton vieux Castillon, n’ont pas l’esprit bouché à l’endroit de la lecture ; car, nom d’une pipe ! je ne puis pas mordre à l’alphabet, et j’y renonce : je n’ai jamais pu reconnaître que les F, parce que ça ressemble un peu à une clef… et les A, parce que ça ressemble quasi à un compas ouvert… pour ce qui est des autres lettres, je donne ma langue aux chiens… après tout, j’ai été bon patriote, sans savoir lire et écrire… ça me console. Ah çà, maintenant, pour en revenir au sujet de mon ambassade, car j’ai fait un fameux crochet… voici la chose : il y a donc une quinzaine de jours que nous n’avons pu aller ni à nos sections, ni aux Jacobins ou aux Cordeliers, pour nous renseigner sur les événements ; or, ce soir, on bat le rappel. Nous avons bien su vaguement, de ci de là, que ça chauffait ; mais quoi est-ce qui chauffe… et pour qui ça chauffe-t-il ?… Voilà le hic !!… Nous l’apprendrions en allant à nos sections, mais nous nous sommes juré, vu l’urgence du travail civique… de ne jamais quitter l’atelier avant minuit, jusqu’à ce que notre besogne soit terminée. Cependant nous sommes inquiets de ce qui se passe ce soir dans Paris… Nous nous demandons si nous ne devons pas abandonner notre ouvrage pour aller prêter main-forte aux frères et amis, puisqu’on bat le rappel. Voilà pourquoi nos camarades m’envoient vers toi, Jean, pour te demander s’il faut rester à l’atelier ou s’il faut nous rendre à nos sections. Décide de cela, nous suivrons ton avis.