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assurer leur domination sur les peuples en les tenant plongés dans l’ignorance et la superstition, Castillon, ainsi que l’immense majorité des prolétaires, avait, plutôt par instinct que par raisonnement, embrassé les idées révolutionnaires dont il attendait et devait attendre, comme ses frères, un affranchissement moral et matériel, en d’autres termes, l’égalité devant la loi et devant l’instrument de travail, afin d’échapper à l’exploitation de l’oligarchie mercantile.

Blessé lors de la prise de la Bastille et à l’attaque des Tuileries, au 10 août, Castillon avait malheureusement cédé à l’exécrable panique dont fut possédée la population de Paris lors des journées de septembre ; mais, exception bien rare, il conserva du moins le calme de sa raison au milieu de cette effroyable exécution. Il croyait fermement, en y participant, remplir le terrible sacerdoce de justicier du peuple ; et résistant à cette sanglante ivresse qui, nous l’avons, hélas ! démontré par des faits, changeait bientôt en cannibales la plupart des patriotes qui avaient d’abord regardé comme une fatale nécessité l’anéantissement des ennemis acharnés de la révolution, Castillon, inflexible et froid, immola de nombreuses victimes au nom du salut public, mais ne commit du moins aucune de ces férocités qui seront le deuil éternel de la patrie. Puis, après cet effrayant holocauste, il se retira grave et triste, convaincu d’avoir accompli un devoir cruel, mais impérieux. Patriote exalté, pénétré de ses droits, et plus encore de ses devoirs de citoyen, honnête homme dans la plus large extension du mot, laborieux, d’une conduite rigide et, malgré son défaut complet d’instruction, doué d’une vive intelligence, excellent ouvrier dans sa profession, Castillon regrettait souvent de ne pouvoir aller à la guerre, retenu qu’il était à Paris par le décret de 1792, ainsi que tous les artisans serruriers capables de fabriquer des armes ; sa bravoure, son patriotisme, l’auraient sans cela depuis longtemps poussé aux frontières, non qu’il aimât par goût le métier de soldat, car, les ennemis vaincus, il eût déposé son fusil et gaiement repris la lime et le marteau. Castillon, véritable