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toujours aux yeux, lorsque je la vois chaque soir donner des leçons à vos jeunes apprentis… Une mère ne leur témoignerait pas plus de sollicitude ! Avec quelle patience elle les enseigne ! avec quelle douceur elle les reprend ! Quels sages et nobles préceptes elle trouve le moyen de joindre à ses leçons !… Et puis, combien elle est laborieuse !… elle travaille en lingerie comme une véritable fée : sa délicatesse est si grande qu’il a bien fallu, au risque de la blesser, consentir à ce qu’elle nous payât pension pour sa nourriture et son logis.

— Et de plus, grâce à sa constance et à la perfection de son travail, ma sœur a quelques épargnes… une trentaine de louis, je crois…

— Ah ! mon cher Jean, vous aviez bien raison de me vanter les qualités de votre sœur… elle a pour moi les respects, les soins, les prévenances de la plus tendre des filles ; aussi, je vous le répète, je suis alarmée de la voir depuis quelque temps dépérir…

— Nous partageons tes inquiétudes, bonne mère, et tel était tout à l’heure le sujet de notre entretien avec Jean… Peut-être Victoria souffre-t-elle de quelque peine secrète ; mais tu comprends avec quelle réserve il nous faudrait procéder si nous voulions obtenir de notre sœur une confidence… imite-nous donc, bonne mère, et jusqu’à ce que Jean et moi nous ayons avisé, ne dis rien à Victoria qui puisse lui faire supposer que nous avons remarqué le changement dont nous nous affligeons.

— Vous pouvez compter, mes enfants, sur ma discrétion.

Madame Desmarais et sa fille sortent, et bientôt Castillon, contre-maître de Jean Lebrenn, se rend auprès de son patron.

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Le contre-maître de l’atelier de serrurerie de Jean Lebrenn était à peu près du même âge que son patron, et offrait le type de la majorité des artisans républicains de ces temps-ci : laissé dès son enfance dans l’ignorance, puisque les ci-devant régimes tendaient surtout à