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l’infamie de ma conduite, que je ne fusse au moins un agent de Pitt et de Cobourg… et autres sottises.

— Ah ! mon cher Jean, de pareilles sottises peuvent, en ces terribles jours, envoyer un homme à l’échafaud ! — reprend madame Desmarais frissonnant ; — n’était-ce donc pas assez du mal que mon mari nous avait fait ?… pouvait-on supposer qu’il s’obstinerait à vous calomnier indignement ?

— Que voulez-vous, chère belle-mère, il est poussé à ces indignités par la logique de la peur ; vous ne l’avez que trop expérimenté : les gens faibles et peureux deviennent capables de tout en certaines circonstances… Mais laissons là ces misères… Croyez-moi, votre mari n’est que trop puni, et je ne suis que trop vengé par ses angoisses, par ses terreurs incessantes.


— Jean dit vrai, ma bonne mère, — ajoute Charlotte, — rappelle-toi ce que dernièrement encore Marianne, notre cuisinière restée au service de mon père, disait à Gertrude, chargée par nous d’aller s’informer comment il se portait ; car, malgré ses torts envers nous, jamais nous n’oublierons les liens qui nous attachent à lui…

« — Ah ! ma pauvre Gertrude, — répondit Marianne, — notre maître a perdu le sommeil, je l’entends toutes les nuits aller et venir dans sa chambre ; je ne sais pas ce qu’il a, mais il est toujours sombre, inquiet, soupçonneux, comme s’il avait constamment peur de quelqu’un ou de quelque chose. »

— Ah ! c’est une terrible vengeresse que la conscience, — reprit Jean Lebrenn ; aussi, parfois je compte assez sur les angoisses de ton père, chère Charlotte, pour espérer que, lassé de tant souffrir, d’être ainsi constamment sur le qui-vive, de traîner ses jours dans une sorte de perpétuelle agonie, il suivra mon conseil, abandonnera la vie politique et reviendra près de nous, où il trouvera les consolations, les respects qui lui sont dus.

— Ce jour-là, nous serons pour mon mari tels que nous étions autrefois pour lui, — dit madame Desmarais ; puis, prêtant l’oreille