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était aussi ignorant que ces enfants, ma sœur nous a brusquement déclaré qu’elle interrompait ses leçons et allait s’éloigner pour quelque temps de Paris.

— Pauvre femme !… Te rappelles-tu, Jean, ses adieux si poignants, et ses larmes si rares chez elle ?

— En y songeant, mon cœur se serre encore… mais, heureusement, au bout d’une semaine à peine, ma sœur nous est revenue, et elle a insisté pour reprendre ses fonctions de maîtresse d’école, ajoutait-elle avec un demi-sourire.

— En effet, mais sa tristesse, l’évidente préoccupation de son esprit, ses tressaillements soudains, ses distractions, le dépérissement de sa santé, ne prouvaient que trop la persistance de sa peine secrète… et moi, dans mon erreur, je me disais : « La courageuse femme lutte de toutes ses forces contre le sentiment de jalousie fraternelle qu’elle se reproche et dont elle subit l’empire. En vain elle a tenté de nous fuir pour toujours peut-être… Puis, ramenée vers nous par sa tendresse passionnée pour Jean, elle préfère souffrir… et ne pas le quitter… » Mais non… non ! je le répète, mon ami, j’étais dupe d’une profonde erreur… j’en ai maintenant acquis la certitude.

— Mais alors, à quelle cause attribuer le profond chagrin de Victoria ?

— Je vais bien te surprendre, mon ami, en t’apprenant cette cause.

— Enfin, selon toi, quelle est-elle ?

— L’amour…

Jean Lebrenn, d’abord muet de stupeur, regarde sa femme sans lui répondre. Puis, souriant tristement en secouant la tête avec l’expression de l’incrédulité :

— Charlotte, tu te trompes ; Victoria n’a aimé… qu’une fois dans sa vie… Celui qu’elle aimait éperdument est mort… Elle sera fidèle jusqu’à la fin à cet amour… d’outre-tombe.

— Tu m’as raconté la douloureuse histoire de l’amour de Victoria