Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/229

Cette page n’a pas encore été corrigée

te rejoindre ici, je venais te faire une très-grave confidence ; j’ai dû la retarder afin d’entendre la lecture de la lettre du capitaine Hoche, mais notre entretien me ramène à cette confidence.

— Sur quel sujet ?

— Sur la cause du changement qui, depuis deux mois surtout, s’est opéré dans le caractère, dans les habitudes de Victoria, et surtout dans sa santé… qui s’altère de jour en jour.

— Hélas ! tu le sais, vingt fois sur le point d’interroger ma sœur à propos de ce changement dont nous nous alarmons, j’ai toujours été retenu par la crainte de blesser sa susceptibilité devenue de plus en plus ombrageuse.

— J’ai longtemps hésité, mon ami, au sujet de la confidence que je dois te faire… mais aujourd’hui l’hésitation ne m’est plus permise… l’intérêt que je ressens pour notre Victoria me commande de parler… Je dis notre Victoria… car, si j’en juge d’après mon attachement, elle est autant ma sœur que la tienne…

— Oh ! je le sais… et jamais, entends-tu, ma Charlotte bien-aimée… non, jamais je n’oublierai avec quelle tendresse, avec quelle exquise délicatesse, avec quelle adorable ingéniosité de cœur tu as su conquérir peu à peu l’affection de Victoria. Sans doute, elle t’aimait déjà, par cela seulement que tu m’aimais… mais la conscience de son funeste passé, le profond respect qu’elle avait pour toi, lui donnaient une telle méfiance d’elle-même… elle se trouvait à la fois si heureuse, je dirais presque si confuse des mille preuves d’affection et surtout d’estime dont tu l’entourais… elle… jadis une pauvre créature perdue… qu’il a fallu ta persévérance pour apaiser les scrupules de cette âme d’une susceptibilité si douloureuse.

— La connaissance approfondie du caractère de notre sœur m’a bientôt démontré, mon ami, que tu n’exagérais rien en m’affirmant que, malgré la dégradation précoce dont elle a été victime, son cœur restait noble et digne… parmi les plus nobles et parmi les plus dignes !… Cependant, je te l’avoue avec regret, j’ai prêté à notre