Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

quoi remplacera-t-on la république ? Sera-ce par une royauté absolue comme devant, ou par la royauté constitutionnelle de 1791 ? Eh bien, entendez-le bien, messieurs de la noblesse, messieurs du clergé, ce que nous voulons, nous bourgeois, nous du tiers état, c’est la royauté constitutionnelle.

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Parce que la bourgeoisie régnera de fait, à l’abri de ce simulacre de royauté ?

M. HUBERT. — Naturellement.

LE COMTE DE PLOUERNEL. — D’où il suit que vous voulez substituer l’oligarchie bourgeoise… le privilège de l’écu… à notre aristocratie ?

M. HUBERT. — Sans doute, car nous tenons en égale aversion l’ancien régime et la république.

LE JÉSUITE MORLET. — Messieurs, avez-vous lu les fables de La Fontaine ?

M. HUBERT. — Qu’est-ce à dire ? 


LE JÉSUITE MORLET. — Il y a, entre autres apologues fort sensés du bonhomme, cette fable où deux chasseurs se disputent la peau d’un certain ours…

LE MARQUIS. — Ah ! ah ! ah ! il a joliment raison, le révérend : nous nous disputons la peau de la république avant de l’avoir…

L’ÉVÊQUE. —… Écorchée vive, ainsi qu’il convient qu’elle le soit.

LE JÉSUITE MORLET. — Reprenons donc l’ordre de notre délibération, la nuit s’avance, il faut aboutir à quelque chose. La bourgeoisie, la noblesse, le clergé, ont en horreur la république, c’est un fait : occupons-nous donc premièrement de renverser la république, l’on avisera ensuite à son remplacement. Donc, décidons d’ores et déjà s’il faut ou non retarder l’exécution du complot d’abord fixée à demain. Première question et… seconde question qui devrait, à bien dire, primer la première : ne serait-il point, au contraire, expédient, dans l’intérêt bien compris de l’Église, de la monarchie, de la noblesse et de la bourgeoisie, de laisser purement et simplement… guillotiner Louis XVI ?