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terrible coup en surmontant le dégoût que m’inspirait le mariage de ma fille avec un artisan… et ce gueux m’abandonne ! me laisse en butte aux dangereux soupçons que cette séparation va augmenter encore… Malédiction sur moi !… je suis perdu… Mon Dieu ! que faire… que faire ?… Donner ma démission de député à la Convention… il était encore bon là, mon scélérat de gendre !… Heureusement j’ai deviné le piège homicide qu’il me tendait.

Et, réfléchissant, l’avocat Desmarais ajoute, avec l’expression du doute :

— Était-ce véritablement un piège ?… Il faut bien me l’avouer, ce Lebrenn a toujours fait montre d’une délicatesse même scrupuleuse… il semblait se peu soucier de la dot de ma fille… Cette dot, il ne l’a pas touchée, il l’a laissée là sur cette table… Et cet homme, d’accord avec ma fille et ma femme, m’aurait traîtreusement donné un conseil qu’il savait devoir me conduire à l’échafaud… est-ce croyable ?… Ah ! malheur à moi ! ma frayeur, ma rage de le voir tromper les espérances que j’avais fondées sur son union avec ma fille m’ont aveuglé, m’ont emporté… j’ai été trop loin… j’ai incurablement blessé ce Lebrenn par mon accusation odieuse, si elle est injuste… J’aurai désormais en lui un ennemi mortel… Et pourtant, tout à l’heure, en me quittant, il m’a répété que son foyer me serait ouvert si je renonçais à la vie politique… Ce n’est point là l’offre d’un scélérat… Hélas ! peut-être devrais-je suivre son conseil… donner ma démission de représentant du peuple, vivre obscur et paisible auprès de ma fille et de ma femme, qui, au fond, me sont affectionnées… Peut-être retrouverais-je ainsi le repos que j’ai perdu depuis quatre ans.

Puis l’avocat Desmarais, un moment pensif et sombre, reprend avec un éclat de rire effrayant :

— Ah ! ah ! ah ! pardieu, c’est vrai ! je trouverais, en effet, bientôt le repos… un repos profond… absolu… éternel… celui de la tombe… Si je donnais ma démission de député à la convention, la