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l’abri de tous les soupçons !!… me sauvegarderait des défiances de ce monstre de Marat, qui, dit-il, a l’œil ouvert sur moi… Malédiction !… trembler… toujours trembler… Voilà ma vie à cette heure ! Et pourtant, malgré ma secrète horreur pour cette infernale révolution ! malgré la révolte de ma conscience, j’ai voté les lois, les mesures les plus abominablement révolutionnaires… J’ai, malgré l’effroi qu’elles m’inspiraient pour l’avenir, acclamé la prise de la Bastille, les journées d’octobre, les journées de juin et du 10 août ; j’ai exalté la légitimité des affreux massacres de septembre… enfin, j’ai commis un monstrueux régicide… j’ai voté la mort de cet innocent et malheureux roi… ou plutôt de ce misérable roi dont la lâcheté a tout perdu ! Ah ! c’était fini de la révolution si, selon sa première velléité, suivant les inspirations de la reine et du parti de la cour, Louis XVI eût fait mitrailler, écraser… ces infâmes faubourgs de Paris, fusiller les plus factieux des députés rassemblés au Jeu de paume… et exilé les autres… J’aurais été de ceux-là ; on revient de l’exil, et la leçon m’eût profité… du diable si l’on m’eût repris à attaquer la monarchie ! notre seule force, notre seule barrière, à nous autres bourgeois, contre une populace stupide et féroce ! Mais non ! la faiblesse de ce misérable Louis XVI a encouragé les factieux, et en voyant, après la prise de la Bastille, la révolution lancée à outrance, la vile multitude déchaînée, l’épouvante m’a saisi… J’ai cru d’une politique habile et tutélaire, afin de conserver ma popularité, ma vie, mes biens, de hurler avec les loups, de marcher avec les plus fougueux révolutionnaires, en cachant mon horreur pour eux… Grâce à cette ligne de conduite, je n’avais pas à craindre pour ma vie, j’avais conservé ma popularité, mes biens… mais à quel prix, grand Dieu ! Ah ! moi seul connais mes angoisses, mes terreurs chaque jour renaissantes… et voici qu’après tant de gages donnés par moi à cette révolution, à cette république que j’abhorre… les soupçons se sont éveillés à mon égard… la diabolique sagacité de Marat a pénétré, ou peu s’en faut, mon secret !… Je crois parer ce