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vain de s’élancer à leur poursuite, mais il est retenu par Jean Lebrenn.

— Il m’en coûte de recourir à la force pour faire cesser des violences dont vous rougirez demain, mais votre aveugle colère m’oblige d’agir ainsi, — dit le jeune artisan. — Un dernier mot, citoyen Desmarais : vous avez rendu l’habitation conjugale odieuse, intolérable à votre femme… elle trouvera près de sa fille et de moi les soins, la tendresse, les respects qui lui sont dus… Consentez donc à une séparation amiable, sinon… retenez bien ces paroles : si vous vous adressez aux tribunaux, afin d’obtenir le retour de votre femme près de vous, en ce cas… mais en ce cas seulement, je vous en donne ma parole… je ferai connaître au défenseur qu’elle choisira pour plaider sa cause, les lâches et horribles traitements dont vous l’avez rendue victime, croyant ainsi donner des gages apparents de votre inflexibilité républicaine, tandis qu’en réalité la révolution ne vous inspire qu’aversion et épouvante… Maintenant, que votre destinée s’accomplisse… Rappelez-vous cependant que si, revenant au bon sens, à la droiture, à la repentance de votre hypocrisie, vous renoncez à la vie publique, cause incessante de vos faussetés, de vos parjures, de vos trahisons, de vos terreurs, vous serez amicalement reçu à notre foyer.

Ce disant, Jean Lebrenn s’éloigne ; l’avocat Desmarais, resté seul cache son visage entre ses mains et tombe anéanti dans un fauteuil.

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— Je suis perdu… que faire ?… que résoudre ? — se disait l’avocat, marchant dans son salon avec une agitation fébrile, après s’être longtemps livré à de cruelles et stériles réflexions. — Ma femme et ma fille m’abandonnent, entraînées par mon gendre… Le scélérat !… m’avoir ainsi trompé ! moi qui avais consenti à cet ignoble mariage… espérant… que dis-je… certain que, devenu beau-père d’un garçon serrurier, jacobin forcené ! cette alliance me mettrait du moins à