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causés ; car, au fond, votre cœur est bon… ce sont vos sinistres alarmes qui troublent votre esprit !

— Vraiment, — reprend l’avocat Desmarais avec un sourire sardonique et parvenant à se contenir, — vraiment : selon vous, digne épouse… selon vous, tendre fille, il me faut suivre le conseil de mon estimable gendre ? Et si, d’aventure… je ne le suivais point… cet honnête conseil… qu’adviendrait-il, s’il vous plaît ?

— En ce cas, citoyen Desmarais, — reprend Jean Lebrenn, — je vous donne de nouveau ma parole d’honnête homme de garder secrètes mes convictions à votre égard ; mais je vous déclare en même temps que mon devoir, que ma conscience, me défendent de vous sauvegarder par ma présence, vous, citoyen Desmarais, vous, secrètement ennemi de la république, vous, faux patriote, qui couvrez du masque d’un feint civisme votre haine de la révolution et les terreurs qu’elle vous cause… Je laisserai votre destinée s’accomplir ; mais, je vous le dis en terminant, prenez garde, prenez garde… Plusieurs de vos collègues s’étonnent, s’inquiètent de ce que vous paraissez vous croire toujours suspecté de trahison… quoique votre conduite apparente semble devoir éloigner de vous tout soupçon…

— Est-ce tout ? — demande l’avocat Desmarais, pâle et haletant de colère et de frayeur, — n’as-tu rien à ajouter, mon honorable gendre ?

— Non… Je vous ai fait entendre d’utiles vérités, puissiez-vous en profiter ?

— Eh bien… moi, je vais vous dire à vous, citoyen Lebrenn, à vous, ma femme, à vous, ma fille… ce que je pense de votre exécrable complot contre ma vie.

— Grand Dieu ! — s’écrie madame Desmarais, — nous, conspirer contre votre vie, nous !…

— Mon père, est-il possible que vous ayez une pareille pensée ?

— Oh ! je le conçois, il vous est assez désobligeant de vous voir pénétrés, misérables ! — répondit l’avocat avec un hideux ricanement ; —