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lâche assassinat, commis le jour même de l’exécution de Louis Capet ; ce meurtre de l’un des conventionnels qui avaient en leur âme et conscience voté la mort du ci-devant roi prouve quels ressentiments implacables, quelles haines féroces ces immortels régicides ont eu le courage de braver à l’intérieur et à l’extérieur de la France.

Lepelletier Saint-Fargeau, descendant d’une ancienne famille parlementaire, possesseur d’une fortune immense, avait embrassé avec ardeur la cause de la révolution. Sa haute intelligence, son noble cœur, son profond amour pour l’humanité, sa sollicitude aussi tendre qu’éclairée pour les classes déshéritées, ses lumières, ses vertus civiques le plaçaient parmi les plus illustres citoyens de la république.

Telles ont été les particularités du meurtre de Lepelletier Saint-Fargeau, extraites du rapport adressé aujourd’hui à la Convention sur ce douloureux événement.

« Le 21 janvier, Lepelletier Saint-Fargeau avait pris son repas chez Ferrier, restaurateur au Palais-Royal. — Il était au comptoir pour payer son dîner, lorsqu’un particulier qui était à quelque distance de lui, demanda si ce n’était pas là Lepelletier. — On lui répondit que oui. — Aussitôt cet individu s’approche, en lui disant :

» — Êtes-vous Lepelletier ?

» — C’est mon nom.

» — Quelle opinion avez-vous eue dans l’affaire du roi ?

» — J’ai voté pour la mort, selon ma conscience.

» — Eh bien ! voilà la récompense de ton vote, — répond l’individu en frappant d’un coup de sabre Lepelletier Saint-Fargeau, et l’assassin prend la fuite.

» Cet assassin est maintenant connu, il se nomme Pâris, c’est un ancien garde du corps du roi, et il s’est rendu célèbre par sa scélératesse et sa lâcheté… Lepelletier n’a survécu que peu d’instants à sa blessure ; telles ont été ses dernières paroles :

» Je suis satisfait de verser mon sang pour la patrie, j’espère qu’il servira à consolider la liberté et l’égalité !