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que des citoyens ont trempé leurs mouchoirs dans le sang du condamné ; cela est vrai, mais Jacques Roux, le prêtre qui, dans sa mission auprès du ci-devant roi, lui parla plutôt en bourreau qu’en magistrat du peuple souverain, aurait dû ajouter dans son rapport au conseil général, que quantité de volontaires s’empressèrent de tremper aussi dans le sang du dernier des rois le fer de leurs piques, la baïonnette de leurs fusils, la lame de leurs sabres. Un citoyen monta sur la guillotine même, et plongeant son bras nu tout entier dans le sang de Capet, en aspergea par trois fois les assistants qui se pressaient agenouillés autour de l’échafaud, afin de recevoir sur le front ce sanglant baptême.

» — Frères, — disait ce citoyen en faisant son aspersion — frères, l’on nous a menacés que le sang de Capet retomberait sur nos têtes… eh bien ! qu’il y retombe !… Républicains, le sang d’un roi porte bonheur !

» Un autre citoyen, témoin à l’écart de cette scène digne du pinceau de Tacite, s’écria :

» — Mes amis, que faisons-nous ?… Tout ceci va être rapporté… On nous peindra chez l’étranger comme une populace féroce qui a soif de sang.

» — Oui ! — fut-il répondu, — oui… soif du sang des despotes ! que les tyrans étrangers le sachent !…

» La liberté ressemble à cette divinité des anciens que l’on ne pouvait se rendre propice qu’en lui offrant en sacrifice le sang d’un grand coupable… Les druides promettaient la victoire à nos ancêtres partant pour une seconde campagne, quand ils avaient rapporté de la première une tête couronnée sur l’autel de l’Hercule gaulois. »

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23 JANVIER 1793. — Au nom de l’horreur que m’a inspirée le massacre des journées de septembre, j’inscris ici avec la même horreur un