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crimes de Louis XVI, le peuple venait consacrer par sa présence ce grand acte de justice et de souveraineté nationale. À dix heures vingt minutes du matin, une sourde rumeur propagée de proche en proche a annoncé l’arrivée du condamné ; nous nous trouvions, ma sœur et moi, placés non loin de l’échafaud, derrière la haie de gardes civiques ; nous avons vu s’arrêter une voiture à deux chevaux, escortée par le général Santerre et quelques officiers de son état-major. Claude Bernard et Jacques Roux (ex-prêtre), officiers municipaux chargés de la surveillance de Capet, sont descendus les premiers de la voiture, où il était resté environ deux minutes en conférence avec son confesseur ; puis, d’un pas assez ferme, soutenu par les exécuteurs, il a monté les degrés de la plate-forme : il portait des culottes grises et une camisole de molleton blanc ; sa figure empourprée révélait une extrême animation ; il s’est avancé vivement jusqu’au pied du plancher de l’échafaud, et s’adressant au peuple, il s’est écrié :

« — Français, je suis innocent… »

Un roulement commandé par le général Santerre ayant couvert les premières paroles de Capet, il a jeté un regard foudroyant sur les tambours, en leur criant d’une voix impérieusement courroucée :

« — Taisez-vous !… taisez-vous ! »

Le roulement a continué… Louis XVI, n’espérant plus se faire entendre, s’est livré aux mains de Samson et de ses aides… Quelques secondes après, le soixante-sixième de ces rois étrangers à la Gaule et issus de la conquête franque avait subi le juste châtiment de ses forfaits, expié les innombrables crimes de la monarchie, dont il était la dernière incarnation.

À l’aspect de cette tête de roi montrée au peuple par le bourreau, des milliers de cris ont acclamé la nation et la république.

— Je ne regrette qu’une chose dans l’exécution de Louis Capet, — m’a dit Victoria ; — j’aurais voulu qu’afin de rendre l’expiation plus