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ne craignez-vous pas d’être compromis ?… Car, hélas ! en ces terribles temps…

— Ces temps, ma chère belle-mère, ne sont terribles que pour les ennemis acharnés de la république ; elle respecte les opinions et ne punit que les actes. Que M. Hubert s’engage d’honneur à ne plus conspirer, je suis certain qu’il n’aura plus rien à craindre. Si l’on découvre votre lettre, contenant ma proposition à M. Hubert, peu m’importe : ma démarche est loyale ; mon but est de désarmer par la clémence un adversaire et de faire oublier son passé. Écrivez-lui donc sans hésitation : j’accepterai hautement la responsabilité de ma démarche, de même que cette nuit…

— Pourquoi vous interrompre, Jean ? — demanda Charlotte, tandis que sa mère disait :

— Je vais m’empresser d’instruire mon pauvre frère de ces résolutions : il les acceptera, je n’en doute pas… Merci, mon Dieu ! il est sauvé !

— Vous me connaissez, Charlotte, vous le savez, je ne suis pas un fanfaron de générosité, j’achèverai donc ma confidence, — reprend Jean Lebrenn répondant à sa fiancée ; — je disais à votre mère que j’accepterais hautement la responsabilité de ma démarche au sujet de votre oncle, de même que cette nuit j’ai assumé sur moi une responsabilité plus grave encore, en apparence, en donnant à un émigré qui s’était réfugié chez moi le moyen, non d’échapper à la justice, mon devoir de citoyen s’y oppose ; mais, du moins, grâce à moi, le ci-devant comte de Plouernel a pu, sans péril, sortir de ma maison.

— Ce grand seigneur qui avait autrefois si indignement outragé mon mari ? — dit avec surprise madame Desmarais. — Hélas ! ce comte de Plouernel est cause de tous mes chagrins : c’est pour venger l’affront qu’il en avait reçu que M. Desmarais s’est jeté à corps perdu dans la révolution…

— M. de Plouernel, — reprit Charlotte, — ne descendrait-il pas de cette ancienne famille qui a fait tant de mal à la vôtre, Jean ?