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une masse énorme de population, attirée par la sérénité de ce beau jour et par une curiosité patriotique, se dirigeait comme moi vers le champ de Mars, hommes, femmes, enfants vêtus de leurs habits du dimanche. Tous les visages respiraient un air de fête, et sur toutes les physionomies l’on remarquait une sorte de satisfaction recueillie, presque grave… L’on avait une confiance certaine dans le résultat de cette pacifique et imposante manifestation du peuple, demandant à ses mandataires, par une pétition digne et mesurée, la déchéance d’un roi parjure, à la fois régnant et prisonnier, innocent et coupable ; position fausse, ambiguë, inextricable, source des embarras sans fin qui jetaient dans le pays une perturbation profonde et les funestes germes de discordes civiles acharnées. Le bon sens populaire comprenait que la déchéance, ayant pour conséquence forcée la république, pouvait seule trancher, ainsi qu’on dit, le nœud gordien de cette question grosse d’éventualités déplorables ; enfin, chose déjà si souvent remarquée par moi, depuis le commencement de la révolution, les femmes initiées depuis lors à la vie politique… d’un si puissant attrait pour elles, puisque tout ce qui touche à l’affranchissement, au bien-être, aux droits, à la dignité, à l’amélioration du sort de leurs époux, de leurs enfants, de leur père, de leur frère, se résout par des lois, en un mot, par des actes politiques ; les femmes, dis-je, prenaient le plus vif intérêt au résultat de la pétition, et égalaient au moins le nombre des citoyens se rendant aujourd’hui au champ de Mars. Elles éprouvaient un légitime orgueil de pouvoir, elles aussi, faire preuve de civisme, en apposant leur signature à la pétition du souverain.

— Qui donc, après avoir procréé l’enfant, fait de lui un citoyen, par l’éducation civique qu’elle lui donne dès l’âge le plus tendre… n’est-ce pas la mère ?… — disait à mes côtés une belle jeune femme, accompagnée de ses deux fils, âgés de dix ou douze ans, et qu’elle contemplait avec amour.

— N’est-ce pas à l’épouse de dire à son mari : Va combattre la