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mettait par cela même, quant au passé, à l’abri de la déchéance ; sachant les préparatifs menaçants de l’Assemblée, l’animosité de la garde bourgeoise, ses résolutions impitoyables, et voulant éviter jusqu’à l’ombre d’un prétexte aux projets meurtriers des royalistes constitutionnels, les jacobins décidèrent donc que la pétition ne serait pas livrée à la signature du peuple, et qu’une députation du club irait le lendemain au champ de Mars faire connaître aux citoyens assemblés cette décision et ses graves motifs. Le peuple, ignorant cette délibération tardive, devait se porter en masse au rendez vous fixé, comptant sur la présence et sur l’adhésion des jacobins rédacteurs de l’adresse ; ajoutons enfin que, pour éviter tout sujet de collision et montrer qu’elles voulaient se renfermer dans la stricte légalité, les sections, après la séance des jacobins, envoyèrent à l’Hôtel de Ville une députation de vingt-deux délégués, chargés de prévenir le directoire du département de leurs projets du lendemain, selon la loi qui enjoint aux citoyens désireux d’exercer le droit de pétition d’en avertir la municipalité vingt-quatre heures à l’avance.

— Vous pouvez vous réunir demain, au champ de Mars, paisiblement et sans armes, — répondit aux délégués Desmousseaux, procureur syndic de la commune, — la loi vous couvre de son inviolabilité.

Après une promesse si formelle rapportée de l’Hôtel de Ville par leurs délégués, que pouvaient craindre les pétitionnaires ?

Tels sont, fils de Joël, les faits qui ont précédé la sanglante journée dont je viens d’être témoin.

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Ce matin, 47 juillet (1791), je me suis dirigé seul vers le champ de Mars, Victoria n’ayant pu m’accompagner ; un surcroît de travail très-urgent la retenait à la maison… Ce fut un grand bonheur… car peut-être aurais-je à pleurer la mort de ma sœur ! !

Le temps était magnifique, pas un nuage ne voilait l’azur du ciel ;