Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garde… Le peuple ne veut plus, ne peut plus reconnaître l’autorité du traître Louis Capet ; donc, nous venons fraternellement vous prévenir que le peuple, usant de son droit et voulant jusqu’à la fin donner l’exemple de sa modération et de son respect pour la loi, se rassemblera demain dimanche au champ de Mars, paisiblement et sans armes… Là, nous jurerons de ne plus reconnaître pour chef de l’exécutif le ci-devant roi, et nous signerons une pétition afin de réclamer des représentants du peuple, nos commis, la déchéance de Louis Capet. Nous venons ce soir, frères et amis, vous demander que le club des jacobins se joigne à nous, demain, au champ de Mars, soit en corps, soit par une députation. »

Cette énergique initiative du peuple mettait les Jacobins en demeure de se prononcer ; ils avaient trop de tact politique, trop de patriotisme, pour ne pas comprendre tardivement, il est vrai, qu’il était plus que temps pour eux de sortir de leur système d’inertie, surtout déplorable en présence des graves événements qui se préparaient. Aussi, lorsque Gonchon descendit de la tribune, il y fut remplacé par Laclos, l’un des membres influents du club. Laclos (auteur d’un roman cynique : les Liaisons dangereuses, et intime familier du duc d’Orléans) proposa que, selon le vœu du peuple, les jacobins se joignissent à lui, afin de signer une pétition à l’Assemblée nationale, lui demandant de décréter la déchéance de Louis XVI, pétition que Laclos proposait de rédiger séance tenante, et qui serait signée le lendemain au champ de Mars, non-seulement par les citoyens, mais encore par les femmes et par les enfants, ce qui donnerait à ce manifeste un caractère plus touchant et plus universel. La proposition de Laclos fut accueillie par les applaudissements du peuple et des jacobins. Robespierre demanda la parole. Il se défiait sans doute de Laclos, l’un des chefs les plus habiles, les plus actifs du parti orléaniste ; car, bien que le duc d’Orléans eût souvent déclaré, juré qu’en aucun cas il n’accepterait la régence, ses partisans, soit à son insu, soit en secrète connivence avec lui, ne renonçaient pas à l’espoir de