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chéance du roi. Mais l’Assemblée nationale, inexorablement résolue de conserver à tout prix le soliveau dont elle comptait faire son instrument passif, se préparait à répondre, par les armes, aux vœux presque unanimes du peuple, et afin de donner à ces demandes de déchéance une apparence de révolte ouverte contre ses arrêts, l’Assemblée, innocentant ainsi le passé de Louis XVI, déclarait les cas où il pourrait être, à l’avenir, déchu du trône, et rendait le 16 juillet (1791) le décret suivant :

« Art. 1er. — Si le roi, après avoir prêté serment à la constitution, se rétracte, il sera censé avoir abdiqué.

» Art. 2. — Si le roi se met à la tête d’une armée dirigée contre la nation, ou s’il ordonne ou ne défend pas tout acte de cette espèce exécuté en son nom, il sera censé avoir abdiqué.

» Art. 3. — Un roi qui aura abdiqué ou sera censé l’avoir fait, redeviendra simple citoyen, et sera poursuivi selon les formes ordinaires pour tous les délits postérieurs à son abdication. »

Évidemment l’Assemblée, en précisant ainsi les cas futurs d’abdication, mettait à néant les trahisons passées au nom desquelles l’opinion publique réclamait actuellement la déchéance, réclamation qui, depuis la promulgation des derniers décrets de l’Assemblée, serait considérée par elle comme un acte de révolte qu’elle était résolue de terrifier par les armes. Cette résolution impitoyable n’était d’ailleurs un mystère pour personne, et Brissot, dans le numéro du Patriote français de ce matin (17 juillet 1791), annonçait au public que l’on avait fait des distributions de cartouches, de gargousses à la garde nationale et à son artillerie, et il ajoutait en terminant :

— … Ces horribles préparatifs s’exécutent sous les ordres de La Fayette, cet homme qui m’a dit cent fois être républicain, qui se proclame l’ami du républicain Condorcet ; il n’y a plus rien de commun entre La Fayette et moi ! »

Camille Desmoulins, dans son journal de ce matin, signalait aussi les projets meurtriers des royalistes constitutionnels, et terminait ainsi :