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la veille ; et, par les ordres de cette reine imprudente, l’orgie se renouvelle le surlendemain, plus menaçante encore, au manège royal de Versailles. Des officiers avinés dressent une liste de proscription, dont doivent être victimes les députés patriotes de l’Assemblée. Les prétoriens se rendent ensuite dans la grande galerie du château, où les dames de la reine, singeant les rites de l’ancienne chevalerie, distribuent aux gardes du corps, aux officiers des régiments suisses et allemands des cocardes blanches, disant à ces chevaliers de la royauté parjure, en leur donnant une douce accolade : — Conservez la cocarde blanche, c’est la bonne… c’est la seule ! — En retour de quoi ces preux jurent d’exterminer les révolutionnaires. La cour, abusée par cette exaltation soldatesque, se croyait sûre du succès de son plan, que voici : Louis XVI devait se rendre furtivement à Metz, au milieu de l’armée du marquis de Bouillé : celui-ci répondait de ses régiments ; le roi, cantonné dans cette place forte de nos frontières, y attendrait les armées de la coalition étrangère, afin de rentrer avec elles dans son royaume en vainqueur inexorable, et de rétablir le pouvoir absolu, les privilèges de la noblesse, du clergé, d’anéantir enfin cette révolution maudite, déjà l’épouvante de tous les porte-couronnes de l’Europe. L’Assemblée nationale, intimidée, sans défenseurs, au milieu de ces saturnales de la force militaire, et comptant peu sur le secours de la garde nationale de Versailles, ose à peine manifester ses craintes… Impardonnable faiblesse… Mais le peuple de Paris veille… dans ses clubs ; la presse patriote sonne l’alarme.

« — Le samedi soir, Paris s’émeut ! » — écrit Camille Desmoulins dans son journal (Révolutions de France et de Brabant). — « C’est une dame qui, voyant que son mari n’est pas écouté au district, accourut la première au café de Foy (Palais-Royal) dénoncer l’orgie royaliste. M. Marat vole à Versailles, revient comme l’éclair, et nous crie : — Ô morts, levez-vous !Danton, de son côté, tonne au club des cordeliers ; et, le lendemain, ce district patriote affiche