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frères des départements au sujet de la fuite de Louis XVI. Cette adresse est ainsi conçue[1] :

« Frères et amis,

» Le roi, égaré par des suggestions criminelles, s’est éloigné de l’Assemblée nationale. Loin d’être abattu par cet événement, notre courage et celui de nos concitoyens s’est élevé au niveau des circonstances. Aucun trouble, aucun mouvement désordonné n’a accompagné l’impression que nous avons sentie.

» Une fermeté calme et déterminée nous laisse la disposition de toutes nos forces ; consacrées à la défense d’une cause juste, elles seront victorieuses !!

» Toutes les divisions sont oubliées, tous les patriotes sont réunis. L’Assemblée nationale, voilà notre guide ; la Constitution, voilà notre cri de ralliement. »

Il me serait difficile d’exprimer la surprise, la déconvenue, je dirais presque la douleur qui succède parmi le peuple à la lecture de cet inconcevable manifeste, applaudi, accepté par presque tous les membres du club, mais accueilli par le silence glacial des tribunes… Quoi ! les jacobins semblent déjà presque innocenter Louis XVI en affirmant que : en s’éloignant de l’Assemblée, il a cédé à des suggestions criminelles ; ainsi donc, il n’a pas volontairement pris l’initiative de sa fuite ? Quoi, les jacobins, dans les circonstances actuelles, accepter pour guide l’Assemblée nationale !… l’Assemblée nationale si justement accusée depuis le matin de tra-

  1. Nous prévenons nos lecteurs que les fragments de discours cités par nous sont textuels, qu’il s’agisse des orateurs des clubs, de l’Assemblée nationale ou de la Convention. Nous avons eu recours aux journaux de l’époque : le Moniteur, Débats de la société des Jacobins, des Cordeliers, etc., et surtout à l’Histoire parlementaire de la révolution (40 vol. in-8o), trésor inépuisable de renseignements dû aux laborieuses et patriotiques recherches des citoyens Buchez et Roux. Ajoutons toutefois que, malgré notre estime pour leur caractère, notre déférence pour leur talent, pour leurs travaux, il nous est impossible d’accepter le point de vue catholique qu’ils donnent à leur œuvre.