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la république pouvait, ainsi qu’elle le fit plus tard, de 1792 à 1794, défendre, sauver, affermir et conserver la révolution. »

Cette vérité, si simple, si claire, pénétrée par le peuple, grâce à la lucidité de son excellent bon sens, échappa cependant à l’esprit de la plupart de ses meilleurs amis, ses guides habituels. Les citoyens, durant cette longue journée de vaine attente, s’abordaient en se disant : — Que font donc les Jacobins, les Cordeliers, le Club social ? — Ils ne nous donnent aucun avis, aucun signal. La Bouche de fer, les Révolutions de Paris, l’Ami du peuple nous disent, et ces journaux ont raison : — Louis XVI est déchu du trône. — Il ne nous faut plus ni rois, ni régents, ni protecteurs, ni empereurs. — Pourquoi donc n’ajoutent-ils pas : « — Debout, peuple du 14 juillet ! Debout, peuple des 5 et 6 octobre ! Présente-toi à la barre de l’Assemblée nationale, et là, au nom de ton droit souverain, au nom de la constitution elle-même, demande à tes représentants la déchéance de la royauté. Si l’Assemblée te refuse, et viole ainsi la constitution qu’elle a jurée, reprends tes pouvoirs des mains de tes mandataires infidèles ; rassemble-toi dans tes comices, nomme une Convention nationale et charge-la de proclamer la république… Enfin, si tes mandataires tentent de repousser, par la force des baïonnettes de La Fayette, tes légitimes demandes, alors, aux armes, peuple ! aux armes ! Que ton cri de guerre soit : — Vivre libre… sans maître… ou mourir ! ! »

Oui, voilà ce que dans la journée, Victoria et moi, nous avons entendu répéter de tous côtés. Mais, malgré l’énergie des vœux populaires, la séance du club des Jacobins, à laquelle nous sommes allés assister ce soir, a ruiné notre dernière espérance de voir ces vœux réalisés !

Ô fils de Joël ! jamais je ne saurai vous dépeindre avec quelle émotion patriotique, mêlée de respect, nous autres contemporains des grandes journées de la révolution nous pénétrions dans cette vieille salle du couvent des Jacobins de la rue Saint-Honoré, salle im-