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tous les points du territoire et des frontières, surtout depuis que le comité de sûreté générale est sur les traces de ce complot royaliste, dont le but est de sauver le roi ? Nous savons que des émigrés énergiques sont parvenus à s’introduire en France et à gagner Paris, où ils sont cachés.

— Ah ! je tremble… Il se peut que mon frère…

— Il est, j’en jurerais, au nombre des conspirateurs, ainsi que d’autres ci-devant bleuets de La Fayette ! Que ton frère s’arrange, puisqu’il veut risquer sa tête dans un complot absurde ! Je te dis que les événements présents et ceux qui se préparent sont de telle nature qu’il me faut continuer de marcher dans la voie où la fatalité me pousse, sinon, pour moi c’est la mort ; et pour toi, pour ma fille, c’est la ruine, c’est la misère ! Je n’ai donc, je te le répète… qu’un parti à prendre, c’est d’aller jusqu’au bout, de redoubler de violence apparente et effective ; car je ne l’oublie pas, — ajoute l’avocat Desmarais en frissonnant, — Marat a l’œil sur moi !  !

— Que la fatalité s’accomplisse donc ! — répond madame Desmarais en proie à un morne abattement. — En quittant Lyon, j’étais sans doute cruellement inquiète, mais, hélas ! j’étais loin de m’attendre à ce que tu viens de m’apprendre.

— Résumons-nous, — dit l’avocat Desmarais après un assez long silence, pendant lequel son agitation s’est peu à peu calmée, — résumons-nous. Ainsi, notre fille est toujours follement éprise de ce Lebrenn ?

— Follement, non ; mais le calme résolu qu’elle apporte dans cet amour ne prouve que trop l’invincible empire qu’il a sur elle.

— Il faudra pourtant que mademoiselle Charlotte soit vaincue dans cette lutte !

— Mon ami, mieux que toi, peut-être, je connais notre fille : elle ne cédera pas.

— Nous verrons cela !

— Elle aime Jean Lebrenn autant et plus que par le passé ; il