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LE SABRE D’HONNEUR


ou


LA FONDATION DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

DEUXIÈME PARTIE.

Dans la soirée du 10 décembre 1792, M. Desmarais s’entretenait avec sa femme dans le salon de leur demeure. L’avocat, nommé membre de la Convention au mois de septembre, ne se contente plus d’affecter le patriotisme dans ses actes et dans ses paroles, mais son extérieur témoigne d’un sans-culottisme de mauvais aloi. Ainsi, lui, jadis soigneux de sa personne, ne se rase plus qu’une fois par semaine ; ses cheveux, sans poudre, sont coupés presque ras à la jacobite ; il porte une carmagnole, des souliers ferrés, un grossier pantalon, signe distinctif des sans-culottes, et un mouchoir à carreaux rouges roulé autour du cou, à la Marat. Dans l’un des angles du salon, actuellement sans glaces, sans rideaux, et presque démeublé, par suite d’une affectation de simplicité spartiate, l’on voit une assez grande caisse carrée, construite en bois de sapin ; sur son couvercle, ces mots sont écrits en grosses lettres au pinceau : Objets très-fragiles. Ce coffre semble construit avec plus de soin et de solidité que ne le sont d’ordinaire les caisses d’emballage ; son couvercle, au lieu d’être simplement cloué, peut se lever à l’aide de charnières ; une forte serrure le maintient fermé. Madame Desmarais, arrivée de Lyon depuis une demi-heure à peine, n’a pas encore quitté ses vêtements de voyage ; sa physionomie exprime l’anxiété ; les traits de son mari sont pâles, sombres ; il paraît profondément abattu ; sa femme lui disait :