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était dans tous les cœurs. Une nouvelle cause porta la fermentation à son comble : grand nombre de citoyens avaient pensé que la journée du 10 août rompait le fil des conspirations royalistes ; ils regardaient la guerre comme terminée ; soudain la nouvelle de la prise de Longwy se répand dans Paris, Verdun a été livré. Brunswick, à la tête d’une armée, marche sur Paris ; aucune place forte ne nous séparait de nos ennemis. Notre armée, divisée, presque détruite par les trahisons de La Fayette, manquait de tout : il fallait trouver des armes, des effets de campement, des vivres, des soldats ; le conseil exécutif ne dissimulait ni ses craintes, ni ses embarras. Danton se présente à l’Assemblée, lui peint vivement les périls et les ressources, la porte à prendre quelques mesures vigoureuses ; il se rend à l’Hôtel de Ville, fait sonner le tocsin, tirer le canon d’alarme, et déclarer la patrie en danger. En un instant, quarante mille hommes, armés et équipés, marchent sur Châlons. Au milieu de cet entraînement universel, l’approche des armées étrangères réveille dans tous les cœurs les sentiments d’indignation, de vengeance contre les traîtres qui avaient appelé l’ennemi. Avant d’abandonner leurs femmes, leurs enfants, les citoyens, vainqueurs des Tuileries, veulent la punition des conspirateurs, qui leur avait été promise. On court aux prisons ; les magistrats pouvaient-ils arrêter le peuple ? car c’était un mouvement populaire, et non, comme on l’a ridiculement supposé, la sédition partielle de quelques scélérats payés pour assassiner leurs semblables. La commune, dira-t-on, devait proclamer la loi martiale ; la loi martiale contre le peuple, lorsque l’ennemi s’approchait ! la loi martiale après la journée du 10 août ! la loi martiale en faveur des complices du tyran détrôné par le peuple ! Que pouvaient les magistrats contre la volonté déterminée du peuple indigné, qui opposait à leurs discours le souvenir de son héroïsme au 10 août, son dévouement actuel à courir à la frontière, et la longue impunité des traîtres ?