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énergiquement : « — Notre roi est là dedans. Louis XVI peut f… le camp où il voudra. » — Nous avons rencontré, dans la rue du Coq, M. Hubert. Je le voyais pour la première fois depuis mon entrevue avec lui, lorsque j’avais demandé mademoiselle Desmarais en mariage. M. Hubert, vêtu de son uniforme, se rendait à sa section, où était convoqué le bataillon du district des Filles Saint-Thomas qu’il commandait, et plus que jamais composé de royalistes ou d’ardents contre-révolutionnaires : M. Hubert m’aborda brusquement et me dit avec une amertume courroucée :

— Hé bien… le roi est parti ?… Vous croyez triompher… citoyen ?… C’est trop tôt… l’Assemblée nationale, si pourrie qu’elle soit (textuel), ne veut à aucun prix de la république. La garde nationale n’en veut pas non plus, de la république !… et si les sans-culottes ont des piques, nous avons des fusils et des canons… nous allons le prouver au peuple, s’il bouge… Nous défendrons la constitution jusqu’à la mort !

— Il faudrait au moins savoir ce que vous prétendez défendre ? — reprit Victoria avec un rare bon sens. — La constitution reconnaît un roi héréditaire… ce roi s’évade nuitamment comme un larron ; il emmène avec lui l’héritier de la couronne… Les frères, les parents de ce roi ont émigré à l’étranger, qu’ils soulèvent contre la France ! Le duc d’Orléans a cent fois déclaré qu’il répudiait avec horreur tous ses droits éventuels au trône… Or, quel roi ? quelle dynastie nouvelle la constitution intronisera-t-elle en remplacement du fuyard ?… La force des choses impose donc la république.

M. Hubert, interdit de ce raisonnement d’une logique excellente, resta muet un moment, puis il reprit avec impatience :

— Citoyenne ! quand nous devrions forcer l’Assemblée de nommer provisoirement La Fayette protecteur du royaume, nous préférerions ceci à la république des sans-culottes et de la lanterne ; d’ailleurs, l’Assemblée a déjà envoyé des commissaires à la poursuite du roi. Ils l’atteindront, je l’espère, avant qu’il n’ait gagné la frontière.