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a fait acte de justice exemplaire en condamnant les prisonniers à mort ?

— Oui.

— Cet acte doit, selon toi, sauver la patrie, la révolution, la république ?

— Oui.

— Donc cet acte est patriotique, méritoire, honorable ?

— Je l’affirme !

— D’où vient donc, ma sœur… que l’aspect de ce carnage patriotique et méritoire t’a épouvantée, toi, si ferme, si impitoyable ? Oh ! je le sais, tu t’es raffermie en songeant aux atrocités que nos ennemis auraient commises si leur complot eût réussi ; d’où vient donc, alors, que tu ne t’es pas jointe aux justiciers, ainsi que tu les appelles ? Est-ce la crainte qui te retenait ?… Non, je connais ton courage ! Est-ce la faiblesse de ton sexe ?… Non, tes bras sont robustes : d’ailleurs, tu aurais bien eu la force d’égorger des agonisants ?… Ah ! tu frissonnes de dégoût et d’horreur, et cependant tu affirmes la sainteté de ces représailles anticipées ? Cependant combien de victimes de la noblesse et du clergé sont nombrées dans le martyrologe de notre famille plébéienne ! Or, c’étaient surtout des prêtres et des nobles que l’on justiciait aujourd’hui !… D’où vient donc que tu n’as pris ni le couteau, ni la hache ?

Et voyant Victoria rester sombre, silencieuse, je lui ai tendu la main avec une commisération douloureuse, et j’ai cherché dans le sommeil l’oubli de cette journée funeste. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Après avoir transcrit dans notre légende ce fragment de mon journal, je crois devoir, afin de compléter l’histoire des journées de septembre, citer quelques brefs extraits de plusieurs écrits contemporains, d’autant plus curieux et authentiques, que leurs auteurs,