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Cette saillie soldatesque, et le civisme du citoyen Duchemin, sont vivement applaudis par les spectateurs. L’un des municipaux, s’avançant au seuil de la tente, dit au cocher de fiacre :

— Citoyen, je vous ai inscrit sur le registre des enrôlements ; mais le don patriotique de vos chevaux doit être déclaré par vous à l’Hôtel de Ville ou à la barre de l’Assemblée, qui vous félicitera de votre civisme.

— Alors, je vais à l’Assemblée, c’est plus près… et puis en route, et en avant les gargousses ! — reprend l’ancien canonnier en faisant de nouveau claquer son fouet. — Place, citoyens ! place, s’il vous plaît, à Gris-gris et à Rouget. — Les prisons sont nettoyées, nous allons flanquer la ratapiole aux Prussiens. Vive la nation ! . . . . .

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Voilà quelques-uns des faits dont j’ai été témoin, fils de Joël, et des milliers d’actes civiques de cette nature se passaient le même jour sur les autres places publiques, dans les théâtres, dans les églises, et autres lieux d’enrôlement où les volontaires se portaient en masse !

Le jour touchait à sa fin, lorsque je suis arrivé à l’Assemblée nationale, afin de me mettre, selon le décret, à la disposition du comité militaire. Je trouvai une foule d’artisans attendant leur tour d’être introduits et inscrits pour la fabrication des armes de guerre ; le couloir où se tenaient ceux qui devaient passer avant moi avoisinait la salle des séances de l’Assemblée ; j’y suis entré un moment ; j’étais anxieux de savoir si le massacre des prisons était connu des représentants du peuple. J’appris qu’en effet l’Assemblée, instruite des événements qui se passaient à l’Abbaye, à la Force et au Châtelet, avait envoyé sur les lieux, avec mission de s’opposer au carnage, une commission composée des citoyens Bazire, Dussaulx, François de Neufchâteau, Isnard et Lequinio. Ces commissaires n’étaient pas encore de retour de leur mission. L’Assemblée semblait en ce moment distraite des sinistres préoccupations que devait lui causer le sort des prisonniers par un rapport que l’un des secré-