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compagnaient en ce jour (et j’insiste sur cette particularité, parce qu’elle avait une action irrésistible et pour ainsi dire physique sur les masses), qu’accompagnaient, dis-je, les tintements du tocsin, les échos prolongés du canon d’alarme, tirant de cinq minutes en cinq minutes, et se joignant aux roulements lointains du tambour, mêlés aux accents de la Marseillaise, chantée en chœur par des colonnes de volontaires. La brûlante énergie de Danton, semblant soudain embraser toutes les âmes, surexcita jusqu’à leur dernière puissance les ardeurs les plus saintes et les plus sanguinaires, l’amour sacré de la patrie et une impitoyable soif de vengeance contre les ennemis de la révolution ; mais, du moins, l’impartialité me commande de le dire, et j’en jure Dieu ! en ce moment suprême, le massacre des prisons, auquel je m’étais opposé de toutes mes forces, auquel je devais m’opposer jusqu’à la fin, le massacre des prisons était sincèrement considéré par la population, bourgeois ou artisans, comme une mesure de salut public, mesure suprême que beaucoup déploraient, mais qu’ils regardaient comme une nécessité fatale, comme une question de vie ou de mort pour eux, pour la France, pour la révolution.

L’orateur populaire venait de citer les paroles de Danton, lorsque des afficheurs placardèrent de nouveaux décrets rendus, pour ainsi dire d’heure en heure, par la commune de Paris en permanence.

Le premier était ainsi conçu :


« la commune de paris arrête et décrète :


» Art. 1. — Tous les chevaux en état de servir à ceux qui se rendent aux frontières seront à l’instant requis.

» Art. 2. — Tous les citoyens se trouveront prêts à marcher au premier signal.

« Art. 3. — Ceux qui, par leur âge, leurs infirmités, ne peuvent se mettre en marche, déposeront leurs armes à leurs sections, et