Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la droite… On lit sur la physionomie des membres de la famille royale une lueur d’espérance puisée dans ces mesures provisoires.

« guadet, à la tribune et d’une voix énergique. — Les ministres sont des traîtres… Je demande qu’un nouveau ministère soit nommé par l’Assemblée nationale au scrutin individuel.

» brissot. — Vous ne pouvez décréter une nouvelle organisation ministérielle, sans déclarer que les anciens ministres ont perdu la confiance de la nation. Je demande qu’il en soit ainsi. (La frayeur se peint sur le visage des deux ministres placés dans la loge royale.) Je demande que les scellés soient mis à l’instant sur les papiers des anciens ministres. »

La motion de Brissot vient d’être adoptée à une immense majorité, lorsqu’une vingtaine de combattants des Tuileries, couverts de poussière, paraissent à la barre. L’un d’eux, vêtu en garde national, le front ceint d’un bandeau ensanglanté, tient d’une main son fusil, et de son autre main traîne après lui un soldat suisse pâle et défait ; son uniforme rouge est en lambeaux. Ce malheureux semble prêt à s’évanouir. Le citoyen blessé qui l’amène s’approche de la barre et d’une voix émue :

« — Législateurs, nous venons vous exprimer notre indignation ! Depuis longtemps une cour perfide se joue du peuple français. Aujourd’hui elle a fait couler notre sang ; nous n’avons pénétré dans le château que sur les cadavres de nos frères massacrés… Nous avons fait prisonniers plusieurs soldats suisses, malheureux instruments de la tyrannie ! ! Quelques-uns ont mis bas les armes… Quant à nous… nous ne voulons employer contre eux que les armes de la générosité ; nous voulons les traîter en frères… »


L’orateur, en prononçant ces derniers mots avec l’accent de la plus touchante compassion, serre entre ses bras le soldat suisse qu’il a conduit à la barre, et dont le visage martial se couvre soudain de larmes de reconnaissance. Les tribunes, l’Assemblée entière, entraînées par ce tableau sublime, se lèvent spontanément. Les applau-